Page 16 - Widdershins

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elle se mit à l’aise en prévision d’une attente qui s’annonçait
longue et fastidieuse.
*
Les qualificatifs « longue » et « fastidieuse » se révélèrent vite
ridiculement optimistes. « Interminable » et « à mourir d’ennui »
auraient été plus justes. Les heures s’égrenaient, paresseuses,
et la voleuse, réputée pour son impulsivité, ne tarda pas à se
trouver prête à exploser. Enfin, alors que la lune voguait déjà sur
la mer nocturne, le manoir commença à recracher ses augustes
occupants par à-coups et sursauts sporadiques. Les étoiles filaient
dans le firmament obscur, chauves-souris et oiseaux de nuit la
survolaient dans un bruissement d’ailes, on entendait des chats
se battre, siffler et cracher dans les ruelles alentour… bref le
temps poursuivait sa course pesante vers le matin.
Widdershins avait épuisé presque toute sa patience quand,
peu avant l’aube, la lueur des lanternes du premier étage vacilla
et mourut : le baron Tête-de-fouine avait enfin regagné son
terrier pour un sommeil bien mérité – quoique manifestement
inefficace. Les lumières du rez-de-chaussée continuaient de
briller, sans doute pour les serviteurs qui, après avoir regardé
une horde de pourceaux en satin et brocart s’engraisser de mets
luxueux, devaient à présent nettoyer derrière eux.
Psst ! siffla-t-elle, la gorge un peu irritée par les hurlements
qui avaient tenu lieu de conversation pendant la réception.
Olgun ! Réveille-toi !
Une sorte de protestation offusquée – et vaguement somno­
lente – lui répondit.
Mais bien sûr ! le railla-t-elle. Tu révisais simplement tes
gammes, au cas où ? Ne t’inquiète pas, tes ronflements étaient
parfaits !