17mais depuis qu’elle fait beaucoup d’heures supplémentaires, il m’arrive de devoir la remplacer.Au début, j’avais peur de ne pas trouver les bons mots. Lorsqu’un jour j’en ai parlé à ma mère, elle a, comme souvent, soufflé sur sa frange pour se dégager le front avant de me rétorquer :— Parce que tu t’imagines que moi, je sais ce que je fais ? Crois-moi, j’improvise, comme tous les parents !Du coup, le jour où Alice Bitterman lui a annoncé qu’elles n’étaient plus amies, j’ai apporté un grand bol de crème glacée à Jessa. Et quand elle a commencé à avoir peur des monstres cachés sous son lit, je lui ai offert un Taser en plastique pour leur tirer dessus.Ce n’est peut-être pas la meilleure façon d’éduquer son enfant, mais Jessa n’est pas ma fille.Elle tourne la tête, et à la lueur des murs je vois ses yeux briller de larmes. Mon cœur se fend. J’aurais donné chaque bouchée de mon dîner pour lui éviter ce chagrin. Mais il est trop tard, et c’est ma faute ; la nourriture, trop lourde, pèse sur mon estomac.— Je n’ai pas envie de m’en aller, gémit-elle. Je veux rester ici, avec toi et maman.Je la prends dans mes bras. Ses genoux cognent dans mes côtes et sa tête ne se cale pas bien sous mon menton. La peluche, Princesse, tombe à terre.— Tu n’iras nulle part, je te le promets.— Mais maman a dit…— Elle est inquiète, c’est tout. Les gens disent des choses étranges lorsqu’ils sont effrayés.Jessa se met à mordiller l’une de ses phalanges. Nous lui avons fait passer l’habitude de sucer son pouce il y a des années, mais les vieilles manies ont la vie dure.
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