Page 8 - Wizards

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L’établissement, installé dans une ancienne demeure de
famille, n’avait pas perdu son charme familial malgré les éta­
gères qui envahissaient chaque pièce. Ses murs lambrissés
d’acajou et de chêne lui donnaient une ambiance accueillante
et studieuse. En entendant retentir la porte depuis l’autre
bout de la pièce, M
me
Lesser, la grosse dame brune au regard
doux qui tenait la permanence le week-end, leva le nez de son
bureau d’un air contrarié. Mais très vite, elle identifia l’intruse
et remarqua sa respiration haletante.
L’employée était du genre à saisir une situation au premier
coup d’œil. Un sourire triste s’afficha sur son visage : elle avait
très vite compris de quoi il retournait. Elle désigna l’escalier qui
menait à la vaste section jeunesse, au sous-sol.
— 
Il n’y a personne en bas. Tu n’as qu’à descendre et te faire
toute petite. Je m’occupe d’eux.
Merci ! répondit Nita avant de dévaler quatre à quatre
les marches en béton peint.
Arrivée en bas, elle reconnut le fracas de vélos jetés à terre
dans l’allée, puis le grincement de la porte d’entrée qu’on
ouvrait de nouveau.
Elle se figea pour mieux écouter, mais aucun filet de voix
ne lui parvenait.
Elles ne risquent pas de m’entendre non plus
,
pensa-t-elle. Juste au cas où, elle s’enfonça sans bruit entre les
rayons enfants, esquissant un sourire à la vue des ouvrages et
des affiches aux couleurs vives.
Elle n’était pas descendue là depuis une éternité : à treize
ans passés, plutôt mourir que de se laisser surprendre
chez les tout-petits. Ce qui ne l’empêchait pas d’éprouver
une immense affection pour cet endroit – autant que pour
n’importe quelle autre bibliothèque, d’ailleurs. Toute cette