Page 21 - Wizards

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de harpies trouvait donc, une fois par semaine au moins, une
bonne raison de l’entraîner dans un nouvel accrochage. Et si leur
victime refusait de se laisser provoquer, elles lui tendaient tout
simplement une embuscade, histoire de passer le temps.
Bien sûr, ce soir-là, elle l’avait un peu cherché. Mais la
bagarre était inéluctable ! Pourquoi ne pas amorcer tout de suite
les hostilités, plutôt que de devoir supporter plusieurs heures
de provocations ? Le cycle était sans fin, et elle ne voyait pas
comment le briser.
Oh, si seulement on pouvait déménager ! Si
seulement papa glissait un mot au père de Joanne…Non, ce serait
pire. Si seulement un miracle pouvait se produire pour me sortir
de là !
C’était sans espoir. Elle le savait, et se sentait d’autant plus
stupide de renifler, allongée par terre. Ses larmes séchées, elle
prit appui sur ses avant-bras, malgré la douleur, pour chercher
du regard les lunettes que Joanne avait fait valser d’un coup
de poing. Elles avaient atterri à moins d’un mètre de là, mais
semblaient en piteux état. Lorsque Nita les saisit par la branche,
elles se cassèrent aussitôt en deux. Les verres brisés tombèrent
sur l’herbe humide en une pluie de petits morceaux pointus.
Nita gémit à mi-voix. Sa myopie n’était pas très forte, mais
je ne sais quelle affection aux yeux lui interdisait le port de
lentilles. Elle était encore trop jeune pour une chirurgie au
laser – que ses parents n’avaient de toute façon pas les moyens
de lui offrir –, et la complexité de ses problèmes de vue rendait
ses lunettes très coûteuses.
Maman va me tuer !
pensa-t-elle,
replongeant la tête entre ses bras, incapable, en cet instant
précis, d’affronter le monde extérieur.
Le guide qu’elle avait emprunté vint s’enfoncer dans ses côtes
endolories. Ce qu’elle avait lu lui revint soudain en mémoire,