Page 28 - Widdershins

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En dépit des protestations d’Olgun, elle parvint même à faire
un rapide détour pour effectuer la livraison promise à la fontaine
au chérubin.) L’instant d’après, elle arrivait au pied du mur
d’enceinte, qu’elle franchit d’un bond, sans s’arrêter – aidée une
nouvelle fois par des mains invisibles – avant de s’évanouir dans
le dédale de ruelles environnantes.
*
Oiseaux, écureuils et autres créatures odieusement cham­
pêtres saluaient de leurs chants et pépiements le lever du soleil.
Les rues du bazar de Davillon se remplissaient de commerçants
occupés à installer leurs étals et d’acheteurs avides de bonnes
affaires qui espéraient profiter de la bonne humeur des bouti­
quiers avant l’heure d’affluence. Les ruisselets d’humanité prirent
de l’ampleur, se muèrent en ruisseaux, puis en véritables fleuves.
Forces vives de Davillon, ils coulèrent bientôt à flots dans les rues
qui formaient les veines et les artères de la cité.
Bien au-dessus de la cohue grandissante, en bordure de la place,
une femme se retourna sur sa couche pour regarder vers la fenêtre
et cligna des yeux, éblouie par la lumière du soleil. Elle ne dormait
que depuis quelques heures, et n’avait aucune intention de se lever
tôt. Avec un juron étouffé, elle ferma ses volets d’un geste brusque
et se laissa une nouvelle fois emporter par le sommeil, accompagnée
dans ses rêves par les bruits assourdis du marché en ébullition.
Elle se réveilla aux alentours de midi, envisagea un instant
de s’attarder encore au lit – elle n’ouvrait jamais la taverne plus
de quatre heures avant le coucher du soleil, de toute façon –
mais décida, à contrecœur, qu’un bon nettoyage ne serait pas de
trop après la soirée de la veille. Non sans grommeler à mi-voix,
elle se leva, toute frissonnante dans sa chemise légère qui ne la
préservait pas le moins du monde de la fraîcheur automnale.