Page 11 - Widdershins

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Leurs altesses reprirent leur débat sur les mérites comparés
de tel ou tel invité, et la jeune aristocrate se fondit discrètement
dans la foule.
— 
Il était moins une ! murmura la demoiselle qui se faisait
appelerMadeleine Valois. J’ai bien cru que nous étions démasqués.
Son invisible compagnon exprima un sentiment de complet
accord, assorti d’une pointe de soulagement, qui se termina sur
une note interrogative.
Non, ce n’est pas le baron qui me préoccupe. S’il trouvait
un scorpion au fond de son pot de chambre, ce bouffon s’imagi­
nerait encore que c’est un simple hasard ! Mais j’ai bien cru que
la duchesse m’avait reconnue. Heureusement, on n’examine pas
de trop près le menu fretin.
Autre vague d’émotion, presque teintée de nostalgie.
Madeleine – qui s’était autrefois appelée Adrienne – approuva
d’un hochement du menton.
De l’eau a passé sous les ponts depuis, tu as raison. Mais
trêve d’inquiétudes !
Tout en se faufilant dans la forêt humaine qui l’entourait, elle
continuait d’observer le manoir et de noter chaque détail.
Bon…notre ami n’a ouvert l’étage à aucun de ses invités.
Conclusion : c’est là qu’il garde la plupart de ses objets de valeur.
(
Irritée, elle secoua la tête, avec précaution cependant afin de
ne pas déloger la perruque qui couvrait son épaisse chevelure
brune.) Si seulement j’avais pu monter repérer les lieux, maugréa-
t-elle, tout serait beaucoup plus facile. Bah ! Nous ne sommes
que de simples mortels, après tout…
Sans pourtant articuler le moindre mot, Olgun parvint à
grommeler une remarque impolie.
Un sourire malicieux éclaira brièvement le visage de
Madeleine.
Évidemment…
Comment aurait-elle pu oublier qu’un
dieu se promenait en permanence dans sa tête ?